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LES MOVEMENTS D’ART:
MINIMALISME
Le minimalisme ou art minimal est un courant de l’art contemporain, apparu au début des années 1960 aux États-Unis, en réaction au lyrisme pictural de l’expressionnisme abstrait et en opposition à la tendance figurative et ironique du pop art.
Le minimalisme est l’héritier du modernisme, et plus particulièrement du Bauhaus. Il fait sienne la maxime d’un des grands représentants du Bauhaus, Ludwig Mies van der Rohe : « less is more », l’amélioration d’une œuvre se faisant selon les minimalistes par soustraction.
Parmi les grands représentants du minimalisme, on trouve les sculpteurs Robert Morris, Carl Andre et Donald Judd, les peintres Frank Stella et Sol Le Witt, les musiciens La Monte Young, Terry Riley, Philip Glass et Steve Reich. Ces artistes ont en commun de privilégier le dépouillement formel, le réductionnisme et la neutralité.
La définition de la notion d’« art minimal » a été donnée à la fin de l’année 1965 par le philosophe analytique anglais Richard Wollheim dans Arts Magazine au sujet d’une exposition à la Green Gallery de New York.
Les peintres minimalistes s’inspirent de deux grandes figures tutélaires, Malevitch et Ad Reinhardt. Le premier, tout d’abord, est un grand représentant du suprématisme, mouvement né en Russie en 1915 qui promeut une peinture « pure » et abstraite. Malevitch affirme que la peinture doit se libérer de toute représentation symbolique ou figurative et devenir non-subjective. Il réalise le fameux Carré noir sur fond blanc en 1915, qui fait table rase de l’ancienne tradition picturale héritée de la Renaissance et en déclare la mort. Dans cette lignée, Ad Reinhardt réalise tout au long des années 1960 et jusqu’à sa mort, des peintures monochromes en série qui font primer le vide et le néant.
Œuvrant à une redéfinition de l’art, et de la peinture en particulier, Frank Stella poursuit dans la lancée d’Ad Reinhardt en s’orientant vers l’abstraction géométrique. Il crée des tableaux-objets aux formes de châssis originales, montrant des lignes droites, concentriques ou diagonales, régulières et homogènes, qui doivent davantage à la largeur du pinceau utilisé qu’à la main de l’artiste.
Il refuse l’interprétation en art :
Ce qu’il veut c’est dépersonnaliser l’œuvre d’art pour en finir avec les figures de génies torturés à l’égo surdimensionné à la Jackson Pollock. « Ma peinture est fondée sur le fait que seul s’y trouve ce qui peut y être vu », déclare Stella.
Les peintres minimalistes désirent limiter toute trace de facture picturale ou d’intervention de la main du peintre. Aussi, les œuvres minimalistes se composent généralement de deux ou trois couleurs et de formes basiques :
Ronds, carrés, lignes droites, etc. La simplicité est primordiale et il n’existe aucune représentation subjective derrière le minimalisme ; il est dénué de toute symbolique et ne cherche à jouer que sur les formes et les couleurs en évitant l’émotion au sens littéral du terme : un art dénué de sentiments.
Les artistes minimalistes utilisent des structures simples, élémentaires, réalisées dans des matériaux simples et souvent laissés bruts (cuivre poli, acier), et des formes épurées, constituées d’éléments en deçà desquels la forme même se dissout : pavement faits de carreaux métalliques (Carl Andre), vastes feuilles de métal pliées ou roulées (Richard Serra), répétition de formes/volumes semblables (Donald Judd), morceaux de feutre lacérés et déformés par la seule action de la pesanteur (Robert Morris), compositions linéaires en tubes de néon blancs ou de couleur (Dan Flavin), barres creuses à section carrée forgées en courbes et contre-courbes (Albert Hirsch) sont des exemples caractéristiques d’œuvres minimalistes. Le choix des volumes géométriques simples sont à appréhender immédiatement pour ce qu’ils sont (sans artifice). Les couleurs, les matériaux individuels permettent de produire des objets qui n’ont aucune histoire émotionnelle et donc le contenu de la sculpture n’est autre que la sculpture elle-même, c’est une représentation minimale parce qu’elle se limite à l’essentiel.
En outre, le minimalisme prône une fusion des genres artistiques. Par exemple, l’œuvre Promenade de Richard Serra exposée au Grand Palais en 2008 invitait le spectateur, comme son titre l’indique à se mouvoir dans l’enceinte du bâtiment autour des cinq plaques d’acier. Ces promenades étaient « rythmées » par de la musique, et notamment celle de Philip Glass comme le souligne Olivier Mongin dans la revue Esprit.
LE MOVEMENT ZERO
ZERO était moins un groupe organisé qu’un rassemblement occasionnel d’artistes autour de conceptions et de manifestations dont Heinz Mack pouvait être considéré comme le théoricien et l’animateur.
ZERO était une sorte de regroupement internationalement ouvert aux artistes cherchant un certain renouveau artistique et se lançant dans l’entreprise aventureuse de donner des formes à l’universalité. Ce projet étant assez partagé durant cette période, le groupe ZERO a pu compter plusieurs « familles » d’artistes déjà unis sous des dénominations fédératrices, comme le Gruppo Nucleare (groupe nucléaire) de Milan, le Nouveau Réalisme, le Groupe de Recherche d’Art Visuel, le groupe NUL, Gutai, etc., ensemble d’artistes proches d’un courant que l’on a pu aussi définir comme faisant partie de « la nouvelle tendance ». Depuis une dizaine d’années, les institutions muséales ont souhaité remettre au goût du jour les problématiques engendrées par le groupe ZERO en organisant plusieurs expositions, qui ont à chaque fois tenté d’éclaircir ce phénomène ambitieux que fut ZERO.
Zéro a commencé par être le nom d’une revue d’art fondée en 1958 par Heinz Mack et Otto Piene, avant de désigner le groupe dont les seuls membres permanents furent jusqu’à sa dissolution officielle en 1967, ses deux fondateurs et Günther Uecker, venu se joindre à eux en 1961.
En 1957, les deux artistes décident d’ouvrir leurs ateliers au public, et la première de ces manifestations nocturnes, nommées « expositions d’un soir », eut lieu le 11 avril 1957. Otto Piene s’explique ainsi sur la naissance de ZERO : « Nous n’avions pas l’intention de créer un groupe, au départ : c’était une relation d’amitié. Mack et moi avions des ateliers voisins ; nous parlions beaucoup et avions développé une sorte d’attitude artistique »
La première « exposition d’un soir » est considérée comme l’acte fondateur du groupe ZERO ; elle marque le point de départ d’une action collective qui, en 1958, concevra une revue éponyme qui marquera réellement l’affirmation du groupe.
Le groupe ZERO de Düsseldorf a travaillé à partir de deux composantes principales, la lumière et sa dynamique. Piene usa particulièrement de la lumière électrique et des effets de projection que celle-ci permettait. Mack pratiqua une autre approche en traduisant la lumière naturelle par des écrans transparents souvent striés et parfois même motorisés, superposant plusieurs écrans pour montrer de ce fait des vibrations lumineuses. Uecker quant à lui recouvrait panneaux et objets divers de clous de différentes tailles, ce qui offrait une perception vibratoire de la lumière. Ils s’adonnèrent parfois à la réalisation d’œuvres communes, comme ce fut le cas dans l’hommage à Fontana, présenté à partir de 1964. L’aspect évolutif et dynamique de leurs travaux fait que l’histoire de l’art les a classés au chapitre de l’art cinétique. Ceci s’explique facilement par leur usage du mouvement, de la lumière et de l’électricité, qui selon Franck Popper, théoricien de ce courant, constitue autant de spécialités de cet art du mouvement. Les trois artistes eurent de nombreuses occasions d’exposer ensemble à travers l’Europe et les États-Unis et constituèrent véritablement un groupe d’artistes. C’est cette définition de ZERO qui est la plus généralement répandue, mais elle en est aussi la vision la plus restreinte, même si les trois artistes de Düsseldorf ont constitué l’axe principal du développement et de l’organisation de cette tendance.
Les trois artistes faisaient partie d’une génération de l’après-guerre dominée par un sentiment profond de culpabilité. Alors qu’elle n’avait aucune responsabilité, elle en subissait quand même les revers. Pour Mack et Piene, il fallait repartir de zéro! Il fallait entreprendre une tâche d’exorcisme, désencombrer l’expression artistique de la faillite de l’humanité.
À cette fin, Mack avança deux types de prescriptions, les unes morales : « L’expédition de notre imagination s’éloigne irrésistiblement de la mélancolie étouffante des vielles habitudes dont nous nommons l’oxydation archaïque: La culture européenne. Une nouvelle collaboration des artistes devra congédier les fonctionnaires et les consommateurs, de même que ses utopistes et ses prophètes. La réserve totale de l’art sera une nouvelle liberté; elle est une expression de la zone zéro, l’expression de nos attentes sans bornes ».
Les autres prescriptions d’ordre formel :
« L’espace ouvert et profond qui, même à l’horizon, ne veut pas trouver sa limite est la libre sphère pour mon regard qui parcourt les étendues proches et lointaines, sans direction, intention ou pesanteur, jusqu’à ce que mon regard me revienne…Dans de pareilles étendues, la clarté de la lumière et la plénitude du calme se répandent continuellement. C’est par la lumière que l’espace a sa sensibilité, son atmosphère, sa transparence »
D’où une suite d’œuvres qui auront pour nom Peintures de lumières, Reliefs de lumière, Fontaines de lumière, Moulins de lumière.
Yves Klein dira d’eux, « ce sont des croque-sensibilité, ils sont très malins, ils vous prennent tout et ne vous donnent rien… Attention ! »
Cette association large trouve très certainement son origine dans la galerie d’Alfred Schmela, un ancien peintre, qui prend le parti d’exposer Yves Klein dès mai 1957 (pour l’inauguration de sa galerie de Düsseldorf), alors que le climat général est encore à l’expressionnisme abstrait et, plus particulièrement en Europe, à la tendance parisienne de ce que l’on a appelé l’abstraction lyrique. Cette galerie va vite devenir le lieu principal de l’orchestration de ZERO. Klein est parmi les premiers Français à exposer en Allemagne dans l’après-guerre, qui enfermait alors les deux pays dans une totale absence de communications et d’échanges sur le plan artistique. En fait, Heinz Mack était déjà venu rendre visite à Yves Klein dans son atelier parisien dès la fin de l’année 1955, au cours de laquelle il fit également connaissance de Jean Tinguely, qui sera plus tard lui aussi impliqué dans les démarches du groupe ZERO. À la fin des années 1950, Klein se rendra fréquemment en Allemagne, notamment pour les travaux qu’il réalise pour l’Opéra de Gelsenkirchen. Progressivement, les liens se tissent avec le groupe de Düsseldorf, Klein expose même pour la première fois en compagnie des artistes allemands en avril 1958 lors de la septième « exposition d’un soir ». C’est le début d’une collaboration qui va s’internationaliser de plus en plus.
La même année, Piero Manzoni, qui s’intéresse aussi de près aux travaux de Klein et de Lucio Fontana dont il a pu prendre connaissance à Milan, voyage aux Pays-Bas où il prendra contact avec les futurs artistes du Groupe NUL. Peu à peu, les réseaux s’organisent jusqu’au printemps 1959, où Tinguely organise l’exposition « Motion in Vision – Vision in Motion » à Anvers. C’est véritablement l’exposition fédératrice du groupe, qui réunit, entre autres : Bury, Klein, Mack, Manzoni, Piene, Soto et Spoerri.
Le courant ZERO s’affirme. À partir de ce moment, beaucoup d’expositions collectives auront lieu et rassembleront les milieux artistiques des quatre villes principales : Amsterdam, Düsseldorf, Milan et Paris, notamment au Stedelijk Museum d’Amsterdam en mars 1962 et en 1965. À partir du début des années 1960, Fontana expose même en compagnie de cette jeune génération qui lui voit en lui un père spirituel. Sa participation au mouvement ZERO est en quelque sorte la consécration du groupe, ou, du moins, un soutien majeur de la part de cette figure, qui à l’époque est déjà reconnue de l’art contemporain.
« Ce n’est pas par l’effet du hasard que se réunissent et travaillent ensemble des individualités artistiques aussi fortes que Manzoni, Klein ou Piene. Le substrat de ce phénomène est une intuition commune qui fonde leurs relations personnelles et leurs recherches ».
Néanmoins, la mort similaire par crise cardiaque de Klein leader du Nouveau Réalisme, en juin 1962 et, 8 mois plus tard, de Manzoni, précurseur de l’Arte Povera, entravera cette collaboration européenne. Par la suite, le Groupe NUL hollandais sera dissout après la grande exposition de l’ensemble de ces mouvements de l’avant-garde européenne organisée en 1965 au Stedelijk Museum, qui présente également le groupe japonais Gutai, pionnier de la performance, dont Klein avait suggéré la participation dès 1962. En 2015, le Stedelijk Museum a organisé une rétrospective intitulée ZERO, Let Us Explore the Stars pour célébrer les 50 ans de cette exposition historique.
Piene dénombre 133 artistes ayant collaboré au « projet ZERO » dans le cadre d’expositions communes. Les revues telles que « ZERO », « Azimuth » ou encore « Nul » furent non seulement les réels organes de diffusion du groupe, mais elles furent aussi un facteur de cohésion et de communication entre les différentes associations d’artistes, regroupés alors le plus fréquemment par pays. « L’exposition de 1965 au musée Stedelijk d’Amsterdam montra clairement que sous la bannière de ZERO se retrouvait un large spectre d’artistes et de groupes. Au milieu des années 1960, ce nom ne désignait plus seulement un groupe de trois artistes allemands (1957/1966), il était devenu un terme général pour un mouvement international de l’après-guerre (de 1962 à 1966 environ), rassemblant des artistes d’Allemagne, des Pays-Bas, d’Italie, de France, de Suisse, de Belgique, du Japon, du Venezuela, du Brésil et des États-Unis ».
L’exposition sur la mouvance qui a pris place à Nice en 1998 s’intitulait « ZERO INTERNATIONAL ». Cette formulation est à attribuer à Renate Wiehager qui a signé un essai portant ce titre dans le catalogue de l’exposition. Soulignons qu’elle permet de désigner de façon commode la mouvance ZERO, et de la distinguer du groupe souche de Düsseldorf.